Un scandale made in USA concernant le Tobacco Bonds

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Pourquoi plusieurs états d’Amérique du Nord ont-ils récemment ou mieux encore interdit les E-liquide aromatisés et banni les produits du vapotage ?

Un peu d’Histoire…

1950

Tout commence avec le docteur Richard Doll. En effet, l’homme s’intéresse pour la première fois aux effets du tabac sur la santé.

Après quelques mois de recherches, Doll publie un article dans le Bristish Medical journal. Il est le premier à démontrer qu’un lien entre le tabagisme et le cancer existe. Un lien connu de tous aujourd’hui, mais qu’il est le premier à avoir prouvé par ses recherches.

« Ce dont personne ne s’est rendu compte à l’époque, c’est que le tabac contenait de faibles agents cancérigènes qui nécessitaient une exposition sur une longue période de temps pour avoir un effet», explique-t-il ainsi quelques années plus tard.

1971

Une fois de retour chez lui dans son manoir de Zurich, après une journée de travail à l’agence de publicité qui porte son nom, Leo Burnett échange quelques mots avec sa femme puis s’effondre et meurt d’une crise cardiaque.

Deux mois, plus tôt, l’homme se vantait de ses exploits auprès de différents journalistes en expliquant le succès et la réussite de la marque Marlboro Man.

C’est, d’ailleurs, lui qui conseille à Philip Morris, dans les années 90, de « changer l’orientation » d’un rapport qui relie la fumée de cigarettes au cancer du poumon. Ainsi, conseille-t-il, plutôt que d’expliquer qu’il faudrait réduire le tabagisme passif, une note de service suggère de faire campagne en faveur d’une « meilleure ventilation ».

1977

Pendant cette année, plusieurs cadres de Philip Morris sont interviewés par la chaîne de télévision britannique Thames TV.

Le tournage du documentaire intitulé Death in the West, qui retrace l’histoire de cinq Américains (stéréotypes de Malboro Man) qui meurent tous de maladies liées au tabagisme. Les interviews des dirigeants de PMI sont distillées au fur et à mesure du documentaire.

Mais avant la présentation, le film est communiqué aux équipes de Philip Morris. Mécontents du résultat, clamant de s’être fait piéger, ils attaquent en justice la chaîne de télévision.

PMI remporte le procès et interdit la diffusion du documentaire.

La même année, les sept plus grands dirigeants de l’industrie du tabac se réunissent suite à l’appel de Tony Garrett, président d’Imperial Tobacco.

Tous assis autour d’une table ronde, ils sont présents afin de, selon leurs propres termes :

« Développer une stratégie défensive en matière de tabagisme et de santé, afin d’éviter que nos pays et/ou entreprises ne soient éliminés un par un, avec l’effet domino qui en résulte ».

La résistance du tabac s’organise et prend le nom d’opération Berkshire.

À partir de ce jour, l’industrie du tabac ne se contentera plus de hausser les épaules face à la multiplication des preuves que le tabac est nocif mais cherchera à supprimer ces preuves, ou du moins à les combattre.

En créant notamment le Center for Indoor Air Research : une unité de recherche composée de personnes de haut niveau, afin de « maintenir la controverse » concernant les effets néfastes du tabagisme passif.

INFOTAB a été également conçu pour surveiller les organisations anti-tabac, «se faire des alliés » et réfuter les données du lobby anti-tabac.

1997 : création du Tobacco Master Settlement Agreement

Au cours de toutes les années citées précédemment, plus de 800 plaintes privées ont été déposées contre l’industrie du tabac. Tous les procès, sans exception, ont été remportés par les accusés. L’industrie du tabac possédant des fonds illimités, réussi toujours à trouver un moyen de gagner les nombreux procès dirigés contre elle.

Cependant, cette année-là, les avocats sont présents par milliers et une grande conférence est donnée au ANA Hotel de Washington. Une journée historique. Après un long procès au cours duquel 46 états se sont ligués contre l’industrie du tabac, cette dernière a plié.

Cette victoire prend la forme d’un accord signé au mois de novembre 1998, le Tobacco Master Settlement Agreement (MSA).

Il engage l’industrie du tabac (Philip Morris, Inc., R. J. Reynolds Tobacco Company, Brown & Williamson Tobacco Corporation, et Lorillard Tobacco Company, réunis pour l’occasion dans un groupe baptisé Original Participating Manufacturers) à verser 368,5 milliards de dollars aux 46 états au cours des 25 prochaines années. Une somme d’argent destinée à « couvrir les frais médicaux liés aux maladies du tabagisme».

Les coupes de champagne s’entrechoquent, la victoire est totale, Big Tobacco est vaincu, juridiquement du moins.

Pourtant, malgré cette défaite, l’industrie du tabac ne semble pas réellement atteinte par la nouvelle.

Il faut dire que malgré la somme importante déboursée, celle-ci ne représente, au final, que 2 % du chiffre d’affaires des entreprises sur les 25 prochaines années.

En comparaison, c’est comme si une personne qui gagne 2000 euros par mois devait payer une amende de 40 euros.

Par ailleurs, l’accord signé n’empêche pas la vente de cigarettes, il y a simplement quelques restrictions en termes de publicité. De plus, l’industrie du tabac s’est assurée de faire passer un message dans l’accord : elle ne sera plus attaquée pour les dommages passés.

2008 : L’industrie du tabac poursuit sa résistance

Dix ans après la signature du MSA, les choses n’ont guère changé.

Le tabac continue à tuer. Près de 6 millions de personnes en meurent chaque année. En moyenne, un fumeur sur deux décède d’une maladie liée au tabagisme.

L’industrie du tabac, bien qu’elle ait dû signer l’accord du MSA, poursuit ses activités et engrange des bénéfices.

Mais cette année-là, une nouvelle menace fait son apparition : la cigarette électronique.

Pour la première fois depuis longtemps, le nombre de fumeurs diminue dans le monde, et ce, principalement grâce à cette nouvelle invention.

La e-cigarette ne produit pas de fumée, seulement de la vapeur. Elle ne contient pas de goudrons ni de monoxyde de carbone, et elle permet de contrôler sa consommation de nicotine.

Pour l’industrie du tabac, c’est une catastrophe.

L’industrie décide alors de contre-attaquer. En investissant massivement dans le vapotage, elle compte bien garder la mainmise sur les consommateurs de nicotine.

En 2018, la plupart des grandes entreprises du tabac ont leur propre marque de cigarettes électroniques.

Mais ce n’est pas suffisant. Si les fumeurs passent à la cigarette électronique, les profits de l’industrie du tabac vont chuter. Il faut donc faire quelque chose.

Le vapotage sous le feu des projecteurs

En 2019, un événement va permettre à l’industrie du tabac de lancer une offensive contre le vapotage.

Un mystérieux maladie respiratoire frappe de nombreux vapoteurs aux États-Unis. Les médias s’emparent de l’affaire et parlent d’une « épidémie de vapotage ».

Rapidement, il apparaît que les malades sont majoritairement des consommateurs de THC (le principe actif du cannabis) vapoté, et non de nicotine.

De plus, il s’avère que la plupart de ces produits étaient vendus sur le marché noir et contenaient de l’acétate de vitamine E, une substance nocive lorsqu’elle est inhalée.

Malgré ces éléments, la peur du vapotage s’installe dans l’esprit des gens. L’industrie du tabac voit là une opportunité à saisir.

Interdiction des e-liquides aromatisés

En septembre 2019, le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, annonce l’interdiction des e-liquides aromatisés.

La raison invoquée est la protection des jeunes. Selon lui, les arômes fruités ou gourmands des e-liquides attirent les adolescents et les incitent à vapoter.

L’industrie du tabac se frotte les mains. Non seulement elle a réussi à semer la peur du vapotage, mais en plus, elle vient d’obtenir l’interdiction de la majorité des e-liquides, réduisant ainsi l’attrait de la cigarette électronique.

Dans les mois qui suivent, plusieurs autres États américains annoncent à leur tour l’interdiction des e-liquides aromatisés.

L’industrie du tabac peut se réjouir. Sa stratégie a fonctionné. Elle a réussi à freiner l’essor du vapotage et à préserver ses profits.

Mais à quel prix ? Combien de fumeurs, qui auraient pu passer à la cigarette électronique et ainsi réduire leur risque de maladie, continueront à fumer du tabac à cause de ces interdictions ?

L’histoire du tabac et du vapotage est une histoire de pouvoir et d’argent. Mais c’est surtout une histoire de santé publique. Et dans cette histoire, il semble que la santé des citoyens ait été sacrifiée sur l’autel des profits de l’industrie du tabac.

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